20 ans dans l’espace et toujours en orbite, grâce à Saft
En mars 2004 était lancé le tout premier satellite géostationnaire de télécommunication alimenté par une batterie lithium-ion signée Saft. 20 ans plus tard, il tourne encore en orbite autour de la Terre, à une distance de 36 000 kilomètres. Retour sur une véritable épopée spatialo-industrielle.
Aujourd’hui, quand on évoque les batteries lithium-ion (Li-ion), chacun a en tête les smartphones, les ordinateurs portables, les outils de bricolage ou jardinage et les véhicules électriques. Mais qui pense aux batteries destinées à l’espace, alimentant des satellites qui répondent à nos besoins quotidiens de télécommunications et de prévisions météo notamment.
Remontons le temps. Tout a commencé il y a plus de 20 ans. Nous sommes en 1996. Le CNES (Centre national d’études spatiales) et l’ESA (Agence spatiale européenne) financent le premier programme de satellites de télécommunication qui sera alimenté par une batterie Li-ion – une grande première en terme d’application pour ce type de batterie. Son nom ? Stentor, pour Satellite de Télécommunications pour Expérimenter les Nouvelles Technologies en Orbite. Saft, partenaire du CNES depuis les débuts de l’aventure spatiale en 1966, est naturellement retenu pour fabriquer cette batterie, prouesse technologique à l’époque. L’enjeu est à la hauteur du caractère pionnier du projet : il s’agit de la première application « industrielle » dans un satellite d’une batterie lithium-ion de plusieurs kilowatts.
Un cahier des charges spécifique au spatial
Chez Saft, les équipes R&D vont mettre au point LA batterie de l’espace : une batterie Li-ion qui répond à un cahier des charges ultra précis. « Le satellite sera lancé par une fusée, ce qui requiert des caractéristiques spécifiques des batteries en termes de mécanique, de résistance aux chocs lors du décollage, et d’acoustique ; il évoluera dans le vide sidéral, ce qui implique d’avoir un système étanche ; il sera soumis à des températures extrêmes, comprises entre moins 150 et plus 200 degrés Celsius sur la surface du satellite en fonction de la position du soleil, ce qui impose des contraintes sur le plan de la gestion thermique, il devra pouvoir être résistant aux radiations solaires. Enfin, cette batterie Saft devra fournir l’électricité nécessaire au satellite pendant les phases d’éclipse sur une durée de vie de 12 ans…, voilà quel était le cahier des charges en 1996 », explique Yannick Borthomieu, à l’époque responsable du service de développement des éléments et des batteries pour application spatiale aujourd’hui chef de produits de la division ADP (Aerospace, Defense & Performance) chez Saft. Et de préciser : « la fiabilité se devait d’être au rendez-vous dans la mesure où toute réparation reste pratiquement impossible en orbite géostationnaire ».
Une cinquantaine de collaborateurs sur les sites de Poitiers et Bordeaux de Saft impliqués dans cette innovation
Les équipes Saft se mettent rapidement sur les rangs. A Poitiers, la R&D tourne à plein régime pour mettre au point la batterie répondant à toutes les exigences de l’application. A Bordeaux, Saft convertit sa ligne pilote de fabrication de batteries pour les voitures électriques – on est avant l’an 2 000 et le véhicule électrique n’a pas encore trouvé son marché – en ligne de fabrication d’accumulateurs pour satellites.
En 2000, quatre ans seulement après le lancement du programme, tout est prêt. Malheureusement, le satellite de télécommunication alimenté par la fameuse batterie Saft, devant qualifier la technologie en orbite, sera perdu après la destruction en plein vol du lanceur Ariane, le 11 décembre 2002.
Une aventure collective, multi partenariale
Alors que le plan prévu pour la démonstration en orbite a connu un échec critique pouvant, à ce moment-là, entrainer un arrêt du changement de technologie de batterie, les constructeurs, convaincus de l’excellence de la technologie Saft, soutiennent le projet. Les trois arrivent à convaincre les opérateurs de satellite d’embarquer une batterie Li-Ion. « Nous avons pu persuader l’opérateur Eutelsat, à se porter candidat. Les assureurs, eux aussi impliqués, ont été informés des risques liés au changement de technologie sans pour autant appliquer de surprimes importantes à ce projet de haut vol et à forts enjeux », ajoute Yannick Borthomieu.
Le grand moment se déroule le 15 mars 2004 : depuis la base de Baïkonour, le satellite Eutelsat W3A, d’une masse de 4 250 kilogrammes, alimenté par la batterie Li-ion, est lancé à une distance de 36 000 kilomètres. Le nom du satellite indique sa position, à 3 degrés à l’ouest par rapport au méridien de Greenwich. Sa mission est programmée pour 12ans. Aujourd’hui, W3A tourne encore autour de la terre. Mission plus que réussie !
Depuis vingt ans, ça tourne !
Si la batterie Li-ion alimente le satellite W3A depuis déjà 20 ans, son fonctionnement n’est pas continu. La batterie fournit du courant la « nuit », lorsque le satellite passe derrière la Terre et n’est plus éclairé par le Soleil celui-ci se trouvant à l’ombre de la planète bleue. Cette énergie alimente la plateforme, assurant le fonctionnement du satellite de télécommunication (charges des antennes, transpondeur) et permet les télémesures et le suivi du fonctionnement depuis le sol. En phase de « jour », des panneaux solaires produisent l’énergie pour alimenter le satellite et rechargent en parallèle les batteries.
Au démarrage de la mission, Saft a effectué un suivi des performances tous les ans, puis tous les cinq ans. Aucune anomalie, ni écart par rapport aux objectifs initiaux n’ont été signalés en 20 ans. Les experts du fabricant de batterie avec les développeurs du satellite ont travaillé sur l’utilisation de la batterie durant la mission définissant ainsi la profondeur de décharge (DOD) utilisée pour garantir la durée de vie de W3A. Cette DOD correspond à l’énergie consommée par la batterie lors de chaque phase d’éclipse. La dégradation totale de la batterie au cours de la mission avait été projetée à un maximum de 12 %. En 2019, après 15 ans de mission, l’état de santé de la batterie s’avère bien meilleur que prévu avec une perte d'énergie inférieure à 2%. W3A a donc vu sa mission prolongée bien au-delà des 12 ans.
Grâce aux performances exceptionnelles démontrées par W3A depuis 20 ans, Yannick Borthomieu et les équipes de Saft ont convaincu, l’ensemble des constructeurs de satellites mondiaux et les opérateurs d’opter pour ses batteries Li-Ion.
A ce jour, 383 satellites équipés de batteries Saft ont été lancés depuis W3A : 211 en orbite géostationnaire GEO, 5 en orbite MEO et 167 en orbite basse LEO
Yannick Borthomieu Cell Technical Department ManagerLe champ d’application des batteries Lithium-ion semble infini, sur terre, en mer, dans les airs et dans l’espace !
Des chiffres astronomiques
-
Poids du satellite Eutelsat W3A : 4250 kg
-
Capacité de la batterie : 240 Ah
-
Poids de la batterie : environ 170 kg
-
Puissance de la batterie : environ 8,5 kW
-
Nombre de satellites alimentés par des batteries lithium-ion Saft depuis 20 ans : 383